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06/08/2014

"Ventres à louer" : un malaise international ! (même dans les milieux libéraux-libertaires)

...devant le drame de la mère porteuse thaïlandaise :

 

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Libération de ce matin : « L'affaire d'un couple australien, accusé d'avoir abandonné un enfant trisomique en Thaïlande, relance le débat sur les dérives mercantiles de la gestation pour autrui... »

Cette histoire est révélée depuis la semaine dernière par Thaï Rath, grand quotidien thaïlandais : en 2013, un couple australien – dont la femme est infertile vient à Bangkok (une des métropoles du commerce d'utérus). Une agence de GPA lui désigne la mère porteuse. Ce sera Mme Chanbua, 21 ans, tenancière d'une boutique-restaurant aux environs de la capitale, et déjà mère de deux enfants. Les 11 000 euros devaient lui servir « à payer l'école de mes enfants et à rembourser mes dettes », dira-t-elle. On lui implante l'ovule fécondé par l'Australien : ovule acheté à une donneuse, thaïlandaise aussi et désignée également par l'agence. Deux jumeaux naîtront en janvier 2014 : une fillette sans problème et un petit garçon trisomique. Que font alors les deux Australiens ? Un tri. Ils emmènent le bébé fille, et laissent le bébé garçon.

D'après Mme Chanbua, un test prénatal avait révélé la trisomie 21 du garçon, et les deux Australiens avaient demandé l'avortement (entorse à la loi thaïlandaise). Mme Chanbua – bouddhiste pieuse – s'y était refusée. Elle avait même décidé d'accoucher ailleurs que dans le grand hôpital international désigné par l'agence... « Ce déplacement était une rupture de contrat », allègue aujourd'hui le couple australien (ferme en matière de business ethics). Dans ces conditions, le couple décida d'exercer son libre choix sur les produits proposés : la fille, oui, le garçon non. Et il reprit l'avion – à trois – pour l'Australie. Mme Chanbua décida d'élever le bébé trisomique comme ses autres enfants. « Je l'ai porté dans mon ventre pendant neuf mois, il est comme mon enfant », déclare-t-elle à la chaîne australienne ABC en août 2014...

Quand le scandale est révélé la semaine dernière par la presse de Bangkok, une partie de l'Australie s'enflamme. Le Premier ministre Tony Abbott se déclare « très, très triste ». Un de ses ministres qualifie Mme Chanbua de « sainte » et d'« héroïne absolue ». Les télévisions et les journaux australiens enquêtent. Ils affirment que le père (un électricien de 56 ans) fut condamné deux fois dans sa jeunesse pour des agressions sexuelles sur mineures – dont plusieurs cas de pédophilie... Le scandale redouble. Une enquête sociale est diligentée. Mme Chanbua, apprenant cela, envisage de récupérer la petite fille ! Des milliers d'euros lui sont envoyés par des indignés de divers continents.

Mais l'Australien et sa femme protestent de leur bonne foi de clients dans l'affaire de Bangkok. Que prétend-on leur reprocher ? Dans un monde où le marché fait la loi, la délinquante est Mme Chanbua ! Interviewée, « une amie » des deux acheteurs de bébé les déclare « à bout de nerfs ». Le journal australien Bunbury Mail les qualifie par ailleurs de « parents biologiques » : abus de langage, puisque l'ovule ne venait pas de l'Australienne mais d'une donneuse commerciale fournie par l'agence de Bangkok...

Cette affaire est révoltante jusque dans la confusion des mots et des idées.

Mais elle n'est pas surprenante. Ce n'est que l'un des cas-limite de l'esprit commercial appliqué à l'humanité biologique : un esprit qui avait disparu de la scène « occidentale » depuis l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis en 1865. Aux Etats-Unis, les usines à bébés (75 000 euros l'enfant) sont réservées aux Américains riches, soucieux d'eugénisme sur catalogue, ou aux milliardaires chinois voulant que leur rejeton naisse avec un passeport US. Les Américains moins riches, et leurs équivalents du rest of the world, s'adressent aux usines à bébé du Mexique, de la Thaïlande ou de l'Inde, actuelle championne de la course aux prix bas : 17 000 euros le bébé. Dont 1000 seulement pour la mère porteuse, encasernée par salles de dix femmes...

Les contrats commerciaux stipulent, bien entendu, l'avortement (si la loi l'autorise) en cas de malformation dépistée. Et l'on voit certaines mères porteuses s'y refuser : telle l'Américaine Crystal Kelly, en 2012, qui changea d'Etat pour pouvoir accoucher – contre la volonté des acheteurs – d'un bébé « non conforme au contrat ». Quitte à le confier ensuite à l'adoption...

En France, l'attitude officielle est équivoque : le gouvernement n'a pas fait appel de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme exigeant que la France reconnaisse les enfants nés de GPA à l'étranger ; porte évidemment ouverte à la légalisation réclamée par les amis du big business : Elisabeth Badinter, Pierre Bergé et la sophiste Irène Théry.

Ce que confirme obliquement la secrétaire d'Etat à la famille, Laurence Rossignol, par les échappatoires habituelles : « les experts se gardent de conclure »,« les enfants ne doivent pas être pénalisés... » Comme si le fait de naître américaines (cas des jumelles Mennesson) était une « pénalisation » aux yeux de nos élites !

C'est l'heure de lire, crayon en main, le remarquable livre d'Alexis Escudero La reproduction artificielle de l'humain, publié au printemps 2014 aux éditions grenobloises Le monde à l'envers [*]. « En légitimant la vente et la location du corps humain et de ses produits, les militants de l'économie construisent le socle idéologique, philosophique et (a)moral dont les lobbies scientifiques et économiques de la reproduction artificielle de l'humain ont besoin pour avancer leur entreprise... »

En France, une grande partie de la gauche et beaucoup d'intellectuels mobilisent contre la « marchandisation des corps »  et « l'industrie de l'enfantement » : Jacques Delors, Yvette Roudy, Marie-George Buffet, Catherine Tasca, Nicole Notat, José Bové, Catherine Dolto, René Frydman – oui, même lui... Texte de l'appel dans notre note du 14 juillet :  ici.

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[*] 46 bis rue d'Alembert, 38000 Grenoble. (225 pages, 7 euros : à lire toutes affaires cessantes).

 

12:10 Publié dans Ecologie, Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gpa

Commentaires

CHOSIFICATION

> A partir du jour ou l'avortement était légal puis remboursé par la SS, le foetus était réduit à l'état de chose de convenance.
Ces gens là ne se sont pas dressé contre, n'est-ce pas madame Roudy?
alors leurs lamentations ont quelque chose de dérisoire. Comme eux mêmes.
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Écrit par : Pierre Huet / | 06/08/2014

TOURNURE D'ESPRIT

> On peut ajouter que c'est révélateur d'une sale tournure d'esprit de ce temps: apprécier un acte non pour lui-même, non pour ses conséquences, mais en fonction de ses intentions.
L'avortement pour "émanciper la femme" c'était le top de la "santé reproductive" .
L'abandon dans le cadre d'une transaction commerciale, c'est très mal.
Ah bon? pourquoi?
C'est avec des raisonnement comme ça qu'on allume des guerres un peu partout dans l'urgence comme dit BHL, pour "la démocratie", quelles qu'en soient les conséquences.
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Écrit par : Pierre Huet / | 06/08/2014

LE PIRE

> Le pire, c'est de penser que certains puissent avoir besoin de tels faits divers pour se rendre compte de l'énormité de la chose.
On voit la puissance de l'idéologie libérale libertaire à la manière dont elle étouffe le bon sens le plus partagé et le plus évident.
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Écrit par : Guadet / | 06/08/2014

LA UNE

> Incroyables unes de Libération ces temps-ci: remise en cause des mères porteuses, prise en compte du drame des chrétiens de Irak !
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Écrit par : Ludovic / | 06/08/2014

VIEUX DÉMON

> Salut en Christ,
Et voilà un nouvel esclavage sur les rails... Ou plutôt un vieux démon dont nous connaissons bien la gueule, mais qui porte un masque au goût du jour, celui de la modernité.
Quel affreux mensonge!
L'enfant est-il un dû?
L'enfant est-il une marchandise?
L'enfant est-il un esclave?
L'enfant est une Personne qui relève de la Grâce, réalité supérieure au droit et à l'économie. Là, le business perd ses moyens et la justice avec son petit j, aussi...
Seule la Grâce transfigure et fait de l'esclave un homme libre, une Personne destinée à une autre perspective qu'aux illusions aussi risibles et mesquines que dangereuses, de l'hédonisme, de l'eugénisme et de l'égoïsme individualiste!
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Écrit par : Pierronne la Bretonne / | 06/08/2014

VOCABULAIRE

> Le livre d'Alexis Escudero est excellent, en effet, mais lui-même n'échappe pas entièrement à la logique utilitariste, lorsque dans "La Décroissance", il oppose la nature - notre condition matérielle d'êtres vivants - à l'ordre naturel, réduit purement et simplement à de l'idéologie. C'est une façon de voir que Jean-Claude Michéa, Alain Caillé et d'autres ont abondamment critiquée, - même s'ils n'utilisent pas l'expression vieillie d' «ordre naturel».
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 06/08/2014

SORDIDE ?

> Le passé inquiétant du "père" : Il semblerait que l'affaire soit encore plus sordide qu'on ne pouvait le penser : http://www.20minutes.fr/article/1425431/ynews1425431?xtor=RSS-176
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Écrit par : isabelle / | 06/08/2014

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